Fermeture de Megaupload : le début de la fin ?

/ Actualité - écrit par Guillaume et nazonfly, le 06/02/2012

Tags : megaupload fermeture sites droit internet telechargement millions

Megaupload, un nom qui résonne comme le chant du cygne pour tous les adeptes du direct download, cette discipline qui consiste à récupérer des fichiers partagés par d'autres, sans passer par un réseau peer to peer (p2p), mais en http, directement via le navigateur de l'internaute. Mais aussi un nom associé au streaming, cette pratique qui consiste à regarder des vidéos en ligne, sans les télécharger.

Il faut dire que depuis l’avènement des mesures répressives pour lutter contre le piratage, avec notamment le flicage sur les réseaux p2p par Hadopi en France, les internautes pirates ont pris peur et se sont mis, soit au streaming (souvent via Megavideo, site de streaming de MegaUpload), soit au téléchargement direct, considéré comme plus safe.


Kim DotCom le boss de Megaupload.

Megaupload a donc vu rameuter vers lui des milliers d'internautes qui ont rapidement vu les limites du service gratuit : un quota de téléchargement journalier et une limite de visionnage par 72 minutes ont poussé tout le monde vers des abonnements payants. Oui, payants ! L'internaute est prêt à payer pour avoir la pérennité de regarder et télécharger sans limite... Ça fait réfléchir.

Et on ne parle pas forcément d'usage illégal, même si, ne nous voilons pas la face, cela devait être une utilisation très répandue du service. Mais Megaupload, en jouant son rôle d'hébergeur et en supprimant les fichiers sous copyright rapidement après signalement, était théoriquement blanc comme neige, sans compter un projet dans les tuyaux : la Megabox, un système destiné à rémunérer à hauteur de 90% (sur combien ?) les auteurs des œuvres téléchargées.

Hauts les mains !

Mais le 19 Janvier dernier, le FBI décide de fermer Megaupload et ses sites liés. Pourquoi ? Parce que les hautes autorités américaines estiment que Megaupload incitait au piratage, le favorisait, en ne supprimant pas systématiquement dans un délai raisonnable tous les fichiers sous copyright qui étaient portés à leur connaissance. Sans compter les accusations de blanchiment d'argent... Le dossier du procureur est d'ailleurs accablant : les mails (apparemment hébergés sur des serveurs états-uniens) échangés par les principaux accusés, montrent clairement qu'ils payaient certains internautes qui uploadaient des contenus piratés, qu'ils avaient pour but de copier tout le contenu de Youtube, qu'ils montraient de la mauvaise volonté à effacer certains contenus qu'on leur signalait (notamment ceux de petites sociétés ou de sociétés étrangères). Et ne parlons même pas des 64 comptes hébergés dans des paradis fiscaux...


Les stars aiment Megaupload.

Si je recule...

Ce qui est important dans cette affaire est de prendre un peu de recul :

- si le FBI peut prouver que Megaupload est coupable, on peut considérer que la fermeture est peut-être justifiée ;

- on peut s'étonner largement que la fermeture soit effective avant même le jugement. Si les crimes ou délits sont les faits d'un tiers de la société, pourquoi punir la société entière ? Personne ne pourrait reprendre le service et l'assainir ? D'autant plus que la société étudiait sérieusement la mise en place d'une nouvelle offre, appelée MegaBox, qui aurait rémunéré les auteurs.

- SOPA et PIPA sont dans les tuyaux. Une partie controversée de ces lois était la possibilité de faire fermer complètement un site juste pour un seul copyright non respecté en ligne. On vient d'avoir la preuve que même sans ses lois, l'arsenal répressif peut s'exercer. Pourquoi vouloir le renforcer ?

Les mouvements de Google, Facebook et autres entreprises états-uniennes, et même des sites à but non-lucratif comme Wikipedia, ont permis la suspension de ces lois (pour combien de temps ?). En Union Européenne, l'Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA, ou ACA dans la langue de Shakespeare) a été signé hier. Lisez l'article de Wikipedia lié ci-dessus, c'est assez effrayant.

- Certains avaient une activité légitime sur Megaupload : partage de photos de vacances, diffusions de films en possédant les droits, etc. Tout est fermé, tout est perdu, et peut-être de façon définitive. En filigrane se pose la question du Cloud, l'hébergement à distance. Quid de nos données s'il est aussi facile de fermer un site pour telle ou telle raison ?

Depuis la fermeture de MegaUpload, un mouvement, mené par les Anonymous (comme leur nom l'indique, un mouvement intangible et non identifié), fait tomber les uns après les autres les sites gouvernementaux, de répression (type Hadopi) ou de maisons de disque (Universal).


Le jet, le costume blanc. C'est la classe moi je dis !

Et maintenant ?

Après la fermeture de MegaUpload, différentes voix se sont élevées pour féliciter la nouvelle (Nicolas Sarkozy, le directeur du Syndicat National de l'Édition Phonographique), tandis que d'autres l'ont, au contraire, accueillie avec plus de circonspection (Jérémie Zimmerman, co-fondateur de la Quadrature du Net).

Il faut dire que la fermeture de Megaupload est à la fois le symbole de la lutte contre une industrie mafieuse loin du partage de fichiers à la P2P (rappelons ici que le fameux Kim Dotcom a gagné pas moins de 42 millions de dollars en 2010, soit 42 fois plus que le salaire de Pascal Nègre) mais qu'en même temps, elle est le symbole de la volonté des gouvernements de contrôler l'internet libre.

Dans le contexte de changement politique un peu partout dans le monde (en France notamment), la question de la liberté sur internet et des droits d'auteurs (pas seulement limités à la musique et au film, voir l'article d'OWNI sur la photographie) s'invite brusquement, et même dans la campagne présidentielle française, au même titre que la crise ou le nucléaire. François Hollande se prononce ainsi en faveur d'un arrêt de la riposte graduée et un financement de la culture reposant sur les usagers et les acteurs de l'économie numérique. Il reste à nos politiques (gloire à eux) et aux acteurs de la vie culturelle de définir ce que peut être l'industrie culturelle sur l'internet. Si la question est facile à poser, les réponses sont loin d'être évidentes.


M'en fous, je suis numéro 1 mondial de Call Of Duty Modern Warfare 3

On prend pas les mêmes et on recommence

En tout cas, pendant ce temps-là, les internautes téléchargeurs de musique ou visionneurs de séries US ont vite changé leur fusil d'épaule : le P2P redémarre après avoir connu une sérieuse baisse. Comme le dit l'adage, les pirates auront toujours de l'avance.