Amazing Stories - Saison 1 (épisodes 1 à 12)

/ Dossier - écrit par gyzmo, le 07/03/2007

Marre des séries clichées et balourdes ? Assez d'une programmation soporifique ? Hé bien voici notre conseil : évitez à tout prix ces Histoires Fantastiques... à moins d'aimer le second degré accidentel !

Au milieu des années 80, au souvenir du paternel lisant Amazing Stories - célèbre pulp magazine de science-fiction créé par Hugo Gernsback (1926), et dans la lignée des mythiques séries télévisées Twilight Zone et Alfred Hitchcock présente, l'enfant prodige Steven Spielberg désire se lancer dans une anthologie du Steven Spielberg (sans la barbe)
Steven Spielberg (sans la barbe)
Fantastique pour toute la famille. Adoptée par la chaîne NBC, et coproduite par les studios Universal et Amblin Entertainment, cette nouvelle initiative n'a d'autres buts que de réunir le savoir-faire d'une flopée de cinéastes talentueux afin de donner des couleurs aux nombreux écrits balancés rapidement sur le papier par les méninges encore folichonnes d'un Spielberg au sommet de sa gloire. Dès lors, de grands noms se greffent autour du projet d'envergure : Joe Dante, William Dear, Danny de Vito, Clint Eastwood, Irvin Kershner, Matthew Robbins, Martin Scorsese ou Robert Zemeckis. A leurs côtés, d'autres artistes du 7ième Art, comédiens et compositeurs, font acte de présence dans cette aventure cathodique qui, au terme de la seconde saison, ne sera pas reconduite. Succès mitigé auprès du public, qualité chancelante d'un épisode à l'autre, carence de fantaisies, il faut dire que ses Histoires Fantastiques sont dominés par une tonalité générale médiocre. Peu de téléspectateurs témoins de ce programme en gardent une trace extraordinaire. Mais ne parler que du plus mauvais (et/ou que du meilleur), composer une soupe d'ensemble sans se soucier des 23 minutes de chaque épisode ne serait pas vraiment équitable par rapport aux différentes Amazing Stories. Car en redécouvrant cette série dans sa réédition DVD - disponible depuis novembre 2006, plusieurs moments mémorables prennent le large face aux autres instants (plus ou moins) quelconques et ennuyeux. D'où le choix, une fois n'est pas coutume, d'aborder cette franchise disparate sous l'angle de ses segments respectifs. Pour l'heure, et en attendant la suite, voici donc un petit tour d'horizon des 12 premiers épisodes (sur 24) de la saison 1.

En tant qu'instigateur des Amazing Stories, le coup d'envoi ne pouvait être donner que par Spielberg lui-même et son GHOST TRAIN. Secondé par le compositeur John Williams et le directeur de la photographique Allen Daviau, le réalisateur américain puise une fois encore dans son enfance pour nous livrer un petit conte mélancolique sur les retrouvailles spectrales d'un grand père avec un souvenir de jeunesse traumatisant. Roberts Blossom, connu pour ses rôles d'ancêtre désaxé - et notamment grâce à l'excellent Deranged (1974) de Jeff Gillen et Alan Ormsby, autre slasher avec Psychose (1960) de Hitchcock ou Massacres à la Tronçonneuse (1974) de Hooper s'inspirant de la vie du serial killer nécrophile Ed Gein , assiège les os usés de pépé Daniel avec ce grain de folie (douce, ici) qui lui est propre, tout en conservant dans les entrailles de son personnage tourmenté un soupçon de fragilité attendrissante. La relation qu'il entretient avec son petit-fils solitaire joue également à faire de ce Ghost Train un joli moment télévisuel, doté d'une échéance dramatique bien ficelée comme sait les arranger Spielberg. Mais malgré la représentation fracassante et inattendue (dans la forme) du fameux « train fantôme », il est toutefois regrettable que son terminal n'atteigne pas les espoirs escomptés par rapport à l'ascension tragique précédemment mise en scène, parasitée par l'injection d'éléments burlesques et de son inévitable happy end gnangnan - histoire d'alléger un peu le propos et contenter la cible familiale sans choquer les sensibilités de tout un chacun. En un sens, ce premier épisode annonce déjà le modèle scénaristique « propre sur lui » de la plupart des Amazing Stories ce qui, malheureusement pour le téléspectateur à la recherche de l'étincelle qui engendre de profonds bouleversements cathodiques, n'a pas assez de correspondances avec un récit suffisamment surprenant pour être considéré comme Fantastique.

The Main Attraction
The Main Attraction
Changement radical de registre pour THE MAIN ATTRACTION : Brad Bender est bête et méchant ! Brad Bender est un prétentieux sans frontières ! Brad Bender n'est préoccupé que par son titanesque ego ! Et malgré tout, Brad Bender reste adulé de tous ! Même le ciel ne peut résister à son magnétisme surhumain, c'est dire le monde bizarre dans lequel il vit... Aux manettes de ce second épisode (rebaptisé "Le Météorite" dans sa version française), un certain Matthew Robbins, auteur plus ou moins connu de la production Disney Le Dragon du lac de feu (1981), de l'initial script pour l'une des Amazing Stories mais transformé en mignon petit Miracle sur la 8ème rue cinématographique (1987) par la volonté de Spielberg, ou du divertissant scénario horrifique Mimic (1997). Un faiseur d'univers fantastiques dans son élément, donc, mais pas seulement. Avec The Main Attraction, Robbins amorce sans vraiment le savoir ce qui sera qualifié bien plus tard de teen soap. Sauf qu'à partir du scénario de Brad Bird (Le Géant de Fer - 1999, Les Indestructibles - 2004), le Matthew adopte le sous-genre sous le prisme de la caricature lourdingue. Ce renouveau des programmes TV ciblés ado intervient d'ailleurs à un moment où le regard cinématographique porté sur cette jeunesse américaine commence lui aussi à jouer la carte de la dérision. Le cinéaste John Hughes en est probablement le meilleur porte-parole : ses films Weird Science (1985) et Ferris Bueller's Day Off (1986) - sources des mythiques séries Parker Lewis ne perd jamais (1990) et Code Lisa (1994), convergent bien vers cette idée de traiter le monde des lycéens avec un soupçon de sarcasmes et d'audaces. Il en va de même pour The Main Attraction... mais en plus affirmé et sans la moindre trace de sérieux dans son traitement. La force de l'épisode vient surtout de l'incroyable Brad Bender, à la fois exécrable et tordant de rire. Dans le rôle de cet anti-héros par excellence, le dénommé John Scott Clough déploie une telle décharge d'énergie pour retranscrire le ridicule de son personnage, qu'il devient difficile de résister à son interprétation délibérément outrancière, porteuse de tout l'intérêt de ce segment. Loin d'être une totale réussite, celui-ci a le mérite de proposer une histoire moins mignonnette que ses compères. Car c'est bien simple : en dehors des effets spéciaux à deux franc six sous en rapport avec les lois de l'aimantation (jubilatoire !), et quelques plans bien pensés (tout ce qui est en relation avec la silhouette de Bender), vous enlevez la monstrueuse prestation de Clough, et il ne reste pas grand chose de l'épisode, en substance, assez proche de "La mort solitaire de Jody Verrill" (joué par Stephen King), l'un des sketchs du film Creepshow (1982) de George A. Romero. Ah si, The Main Attraction est peut-être l'occasion, pour les fins gourmets et autres zonards de la marge, d'entrevoir Dominick Brascia, futur réalisateur du slasher tout nase (et rigolo) Evil Laugh (1988), ou Eric Bruskotter, le second couteau carré d'épaules de L'Enfer du Devoir ou du film Starship Troopers (1997).

A partir de quelques plans de batailles piochés dans The Alamo (1960) de John Wayne, ALAMO JOBE débute par l'assaut final qui opposa l'armée Mexicaine du Général Santa Anna contre les Texans et Davy Crockett. Mais contrairement au film patriotique de "The Duke", la version de Michael D. Moore se libère rapidement du western en intégrant des éléments anachroniques aussi saugrenus qu'une bande de touristes des années 80 visitant le Fort Alamo pourtant à feu et à sang. Au milieu de ce ballet improbable - dont le télescopage des temporalités ne sera jamais expliqué (saugrenu, je disais...), le Colonel Travis somme le soldat pubère Jobe de fuir le carnage avec pour objectif de remettre une missive d'importance capitale - dont on ne connaîtra jamais le propos (...), au Général Lefferts. Mais une fois dehors l'enceinte fortifiée, "Le Messager d'Alamo" (titré ainsi dans la langue de Molière) se retrouve dans les rues de San Antonio, pratiquement 150 ans après l'attaque du Fort. Dans de telles circonstances, le jeune Jobe saura-t-il accomplir sa mission ? Ca n'a pas d'importance, serais-je tenté de dire ! Oui, bon... Vous l'aurez peut-être deviné, l'intérêt de cet épisode est infime, le gag du voyage dans le futur étant une fois encore brodé de situations usées jusqu'à la corde. Mise en scène et interprétation correcte, Alamo Jobe confirme l'irrégularité des Amazing Stories dont la plupart des segments, nous en reparlerons, n'apportent pas grand chose à l'imaginaire du spectateur et témoignent surtout d'un manque flagrant de personnalité digne de George Abitbol aka l'homme le plus class du monde. Heureusement pour Jobe, il y aura bien pire par la suite. Et heureusement pour nous, bien supérieur aussi.

Mummy Daddy
Mummy Daddy
MUMMY DADDY, comme son titre facétieux le suppose, relate l'histoire d'une momie sur le point de devenir papa. Oh ? Il n'y aurait donc pas d'âge pour ces choses-là ? Evidemment, notre momie n'en est pas vraiment une. Derrière son allure ankylosée, ses bandages poussiéreux, ses doigts crochus, sa dentition anarchique et ses hurlements d'outre-tombe, se dissimule un comédien des plus sympathiques : Harold. Au cours du tournage du film d'épouvante dans lequel il tient la vedette, un appel d'urgence en provenance de l'hôpital l'informe que sa femme s'apprête à accoucher ! Voilà donc notre Harold parti à toute vitesse à la rencontre de son futur bébé, sans avoir conscience d'être encore en costume de momie, au volant d'une voiture au réservoir d'essence bien vide, et à travers les routes sombres d'une région marécageuse, peuplée de cul-terreux qui plus est. Et manque de pot pour Harold, ces habitants au sang chaud ont encore en mémoire le démoniaque Ra Amin Ka, un roi égyptien momifié, lâché dans leur environnement il y a plusieurs décennies par des forains nomades, et vis-à-vis duquel ils ont une dent sacrée... Petit bijou irrésistible de la franchise, Mummy Daddy ("Papa, momie" en France) ne prend pas que le sentier d'un survival (comique) baignant dans les brumes de l'épouvante (comique également). Son scénario, en apparence invraisemblable, est d'autant plus désopilant qu'il s'inspire d'un fait authentique vécu par l'acteur William Henry Pratt. Plus connu sous le patronyme de Boris Karloff, ce grand du cinéma fût obligé de quitter prématurément le plateau d'un de ses films afin de rejoindre sa femme à la maternité du coin pour ne pas manquer la naissance de son enfant. Tout cela, bien entendu, dans le costume effroyable du personnage qu'il incarnait alors : le monstre de Frankenstein ! Le scénario de ce quatrième épisode a évidemment poussé le bouchon beaucoup plus loin en incorporant une chasse au monstre par une bande de rednecks, tout en réussissant, malgré le comique de la situation (et sa chute, excellente) ou aux dialogues délirants (sans compter les onomatopées bouffonnes d'Harold !), à rendre un superbe hommage aux ambiances envoûtantes des chefs-d'oeuvre du genre. La mise en scène de William Dear, féru des créatures plus humaines que les hommes (Big Bigfoot et les Henderson - 1985, ou la série Dinosaurs - 1991), est à ce propos l'une des plus accomplies parmi l'ensemble des épisodes de la saison. Le maquillage de la momie et la direction d'acteurs (saluons les prouesses mimétiques de Tom Harrison), la gestion des lumières et des plans de nuit, les mouvements de caméra et le rythme du montage, font de Mummy Daddy une expérience visuelle très agréable face à laquelle on ne s'ennuie pas une seconde. Quant à la musique, la simple évocation du compositeur Danny Elfman - et de son orchestrateur Steve Bartek, devrait suffire à gonfler les qualités de cette aventure mouvementée, pleine de surprises et à l'humour parfaitement dosé. Ami(e)s nécrophiles, n'attendez pas ! Jetez-vous dans sa gueule si cette momie déjantée passe dans votre quartier !

THE MISSION - adapté par le scénariste Menno Meyjes (La Couleur Pourpre - 1985) d'après la nouvelle Round Trip de Spielberg, est le seul épisode de la première saison à bénéficier d'un peu plus de 45 minutes d'émission. En effet, pour sa seconde (et dernière) réalisation au sein des Amazing Stories, Steven Spielberg s'est octroyé du temps supplémentaires afin d'échafauder dignement le périple le plus intense de la franchise. Pendant la seconde guerre mondiale, un bombardier américain (B-17) entreprend sa dernière mission. A son bord, Jonathan, "La Mascotte" de l'équipage et dessinateur talentueux dont le rêve est de finir ses jours chez Disney. Mais au cours d'un affrontement violent avec un chasseur nazi, Jonathan se retrouve emprisonné dans la cabine exiguë de la mitrailleuse ventrale de l'avion. Cela aurait très bien pu n'être qu'anecdotique si le train d'atterrissage du B-17 n'avait pas été pulvérisé lors du combat aérien. Tout le monde comprend alors que pour tirer Jonathan d'affaire, il va falloir faire preuve d'une grande ingéniosité...
The Mission
The Mission
Dès les premières secondes, l'immersion est au beau fixe. Au fil de l'épisode, on en oublie même son origine télévisuelle tant les qualités crèvent l'écran. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant que The Mission ait été sélectionnée par Spielberg pour faire partie des trois sketchs de la version cinématographique européenne de son Amazing Stories, aux côtés de Mummy Daddy et Go to the Head of The Class (saison 2) de Robert Zemeckis. De toute évidence, The Mission profite d'une trame alarmante et du charisme de ses protagonistes pour développer une tension crescendo épatante, presque insoutenable sur la fin, preuve que le réalisateur de Duel (1971) ou Saving Private Ryan (1998) maîtrise à la perfection les rouages du suspens. Les très belles partitions de John Williams, une fois encore au service inspiré d'une épisode intégral, accompagnent avec autant de maestria les différentes étapes de la narration et son influence sur le moral de ses personnages. Autour de ce contexte claustrophobe tourné entièrement en studio et postsynchronisé aux petits oignons (Emmy Award 1986), deux jeunots qui deviendront Grands brillent par leur composition : Kevin Costner sous le grade du Commandant, et Kiefer Sutherland, à des miles du Jack Bauer de 24. Mais parmi ce casting prometteur, la surprise vient de Casey Siemaszko (Capitaine Pat Franke dans la série NYPD Blue) aka Jonathan. Son jeu précis et nuancé par rapport à sa position peu enviable font que l'on s'attache vite au personnage. L'envie de le voir s'en sortir devient plus soutenu que tout. Evidemment, à la manière de Ghost Train, Spielberg repêche son histoire grâce à l'intervention du merveilleux, bazarde les précédents effets tragiques très impressionnants dans le sillage d'une résolution fantastique, certes en adéquation avec ses héros, mais un tantinet enfantine. Au final, The Mission s'ajoute à l'imposant hymne spielbergien qui consacre depuis de nombreuses années les pouvoirs palpables de l'imagination. Les effets spéciaux, une fois encore inattendus et très réussis (pour l'époque), qui découlent de cette intention - naïve diront les mauvaises langues, sont toutefois plus que mémorables. Ils mettent en perspective ce que Zemeckis et Spielberg feront en 1988 avec la peau de leur Roger Rabbit. D'ailleurs, The Mission, à lui seul, est une sorte de condensé artistique de ce que deviendra la filmographie éclectique du concepteur des Amazing Stories. Pour cette raison aussi, et suivant son intérêt pour le cinéaste, cet épisode phare mérite peut-être d'être vu.

C'est tout dans les mains ! A partir d'un simple objet, Falsworth peut deviner le vécu de son propriétaire. Cette capacité hors norme lui vaut d'être tous les soirs en représentation devant des night-clubbers en admiration. Mais au cours d'une séance de divination hasardeuse, Falsworth rentre en contact avec un client inaccoutumé dont le talent principal est d'accorder l'une des cordes de son piano autour du cou des noctambules qu'il croise sur son passage... Tiens, tiens... A serial killer ? THE AMAZING FALSWORTH, ou la surestimée "Incroyable Vision", profite de la réalisation expérimentée de Peter Hyams (Outland - 1981, Timecop - 1994) et de l'adaptation scénaristique de Mick Garris (le démiurge des Masters of Horror) pour nous proposer une intrigue ténébreuse et cynique qui aurait presque pu figurer parmi les Contes de la Crypte. Presque, car si le suspens orchestré autour d'une excellente illustration musicale, l'interprétation inquiétante de ses protagonistes et le sentiment paranoïaque piqué au vif procurent leur dose respective d'attentions, cette rencontre accidentelle n'oublie pas qu'elle s'adresse à toute la famille. La table de montage samaritaine de Spielberg choisit le suggestif là où l'on s'y attend le moins : comme par magie, alors que le dernier acte de l'affrontement final aurait dû atteindre des sommets de virulence (en comparaison avec la teneur violente des nombreuses images de l'épisode), la scène se termine sur une éclipse visuelle et sonore paradoxalement brutale. Un comble qui laisse sur la faim. Quoiqu'il en soit, il subsiste de The Amazing Falsworth une atmosphère particulière qui détonne par rapport aux autres gentillettes Amazing Stories. En ce sens, son Edgar Allan Poe Awards pour le meilleur épisode d'une série TV de l'année 1986 n'est pas volé.

Fine Tuning et l'un de ses meilleurs plans...
Fine Tuning et l'un de ses meilleurs plans...
Rassurez-vous : l'image ci-contre n'est pas une publicité subliminable pour la nouvelle mouture des Lego en latex mou from other Space. Tiré de FINE TUNING, voici un plan - d'une richesse incommensurable, cela va sans dire - qui résume tout à fait la rigueur affirmée et le visuel impressionnant du septième épisode de nos histoires plus ou moins surprenantes (dans tous les sens du terme). Inutile donc de m'étendre sur la qualité cosmique de Fine Tuning, les mots ne font jamais le poids face au grand Art. Sachez seulement que Matthew Laborteaux (Albert Ingalls dans La Petite Maison dans la Prairie) y incarne un petit génie à la manière de Broderick dans WarGames (1983). Par l'intermédiaire de son antenne parabolique fabriquée à partir de l'armature d'un parapluie et de divers composants électroniques, notre jeune inventeur parvient à capter des émissions TV d'origine extra-terrestre, lesquelles rendent hommage, pour ne pas parler de plagiat, aux productions télévisées hollywoodiennes. S'ensuit une rencontre du troisième type totalement inspirée (par quoi, on se le demande...). Un "Programme Spatial" bouleversant, donc. Du grand Art, j'insiste, vraiment.

Bien avant les tours de passe-passe ratés de David Schiffer - magicien des temps modernes dans les petites annonces d'Eli, existait un Maître de la prestidigitation foireuse : MR. MAGIC. La Magie ? C'est toute sa vie ! Mais l'âge n'aidant pas sa perte de dextérité, Papy Lou ne parvient plus à tenir en haleine son public lorsqu'il s'agit de manipuler un jeu de carte. Sermonné par le gérant du cabaret dans lequel il officie en tant qu'attraction magistrale depuis de nombreuses années, Lou redoute sa mise en retraite. Se retrouver sur le carreau : très peu pour lui ! Et puis un jour, Lou découvre un très vieux paquet de carte magique... Pour la troisième fois consécutive, et faisant suite au contexte de The Amazing Falsworth et au final désespérant de Fine Tuning, voilà-t-y pas que Spielberg remet sur le tapis les planches conventionnelles du music-hall ! Y aurait-il un déficit de renouvellement dans l'air ? Déjà ? A peine le huitième épisode amorcé ? Hum... Même si les fidèles du Plus Grand Cabaret de Patrick Sébastien n'auraient pas craché sur le numéro fantastique offert par Sid Caesar - l'acteur qui incarne Mr. Magic, il y a fort à parier que l'enfilade de ses trois épisodes apparaîtra un peu indigeste pour les réfractaires de cet univers si spécial. Cela dit, il faut avouer qu'en plus des prestations habiles de Caesar, les effets spéciaux mis en oeuvre dans ce spectacle charmant et nostalgique - autre constante des Amazing Stories, reflètent probablement ce qui se faisait de mieux dans les années 80. Encore aujourd'hui, à l'heure où l'image de synthèse devient de plus en plus bluffant, les quelques passages qui mettent en scène Mr. Magic et ses cartes enchantées jouissent d'un visuel toujours aussi délicieux, raffiné et poétique. A se demander comment peut-il y avoir un si grand gouffre qualitatif entre le présent épisode et son prédécesseur ? Mystère...

Burt Reynolds, inoubliable boulet héroïque de Deliverance (1972) ou patriarche du porno dans Boogie Nights (1997), livre un versant inopiné de son habituel caractère ténébreux et offensif avec GUILT TRIP, historiette d'amour cul cul la praline sur fond de Croisière s'amuse légèrement décalée : Préférant se saouler la gueule à la moindre occasion, la Culpabilité - personnifiée par l'acteur Dom DeLuise (régulier loufoque du cinéma de Mel Brooks et géniteur des Penhall dans 21, Jump Street), délaisse son rôle de mauvaise conscience auprès des simples mortels. Face à ce fiasco, ses Supérieurs décident de lui organiser quelques jours de "Vacances Forcées". Mais pendant le voyage, Culpabilité tombe sous le charme irrésistible d'une (fausse) blonde à forte poitrine - travestie par Loni Anderson (épouse à la ville du Burt). De prime abord, l'idée de représenter une émotion nocive par un odieux personnage suscite une vive attention qui n'est pas sans rappeler la pertinente figuration schizophrénique du Fight Club (1996) de Chuck Palahniuk (toutes proportions gardées). Mais la tournure des évènements et le propos de cet épisode sont respectivement balourde et brouillon. Malgré des débuts aguichants, le jeu décontracté de DeLuise, une mise en scène correcte et un dernier plan romantique, il est difficile de saisir exactement ce que Reynolds a essayé de nous faire partager. Limité par le format télévisuel, l'allégorie de Guilt Trip aurait mérité une rallonge pour réellement s'épanouir. Au final, Reynolds donne l'impression d'avoir fait ripaille avec ses ami(e)s autour d'un buffet sélectif. Dommage pour le téléspectateur, quelque peu exclu de cette fête... tout de même sympathique.

Remote Control Man
Remote Control Man
Rien ne va plus pour Walter Poindexter : un boulot de pacotille, des dettes, une femme tyrannique à la maison, un fils aîné membre d'une secte, un petit dernier punk. Sa seule échappatoire à la triste réalité est la télévision. Jusqu'au jour où l'achat d'une télécommande fabuleuse va chambouler toute sa perception... Attention ! Arnaque à l'horizon : REMOTE CONTROL MAN, sous ses faux airs moralisateurs pointant du doigt les péchés de la petite lucarne consommée à outrance, est en fait un véritable encart publicitaire pour l'outil cathodique ! Caricature presque insupportable à suivre, la péripétie de Walter (Sydney Lassick) est une boule de nerf visuelle qui, l'espace de quelques minutes, bourre l'esprit du téléspectateur de vociférations et de grimaces. Mal de tête assuré. Pour cause : axé autour de personnages fracassés du ciboulot, le script du "Zappeur Fou" introduit une multitude de people qui ont alimenté les programmes et fait la richesse des chaînes américaines au début des années 80. Dirk Benedict (Futé dans l'Agence Tout Risque), Gary Coleman (d'Arnold et Willy), Lou Ferrigno (L'Incroyable Hulk), KITT (le joujou de David Hasselhoff dans K2000), pour ne citer que les plus populaires en France, sont les guest improbables de ce Remote Control Mal chaperonné par Bob Clark, le papa de l'emblématique film de Noël : A Christmas Story (1983). Les nostalgiques et aficionados de la TV des 80's rigoleront de cette tornade burlesque à la critique commode, voire opportuniste, mais matinée d'une autodérision plutôt savoureuse dans le fond. Le casting, impressionnant pour l'époque, fait tout l'attrait de l'incartade. L'auditoire d'aujourd'hui - qu'il soit juvénile ou dénigreur, risque cependant de trouver tout ce magma de bêtises à côté de la plaque, pour ne pas dire has been. Un jugement qui ne serait pas loin de la lucidité objective, il faut le reconnaître.

En dehors de quelques exceptions (l'ordure de Félix vu par la troupe du Splendid (1979), les irrévérencieux Gremlins (1984) de Joe Dante ou le Mister Jack (1993) de Tim Burton), les histoires de Noël pour chérubins sont souvent pétries de bons sentiments. Les fuir comme l'embolie schizophrénique est pour certains une question de santé mentale. Il est d'ailleurs difficile d'échapper à ces contes, par moment écoeurants. Amazing Stories, en tant que programme pour grand et petit - mais surtout parce que le calendrier l'oblige (nous sommes le 15 décembre 1985), ne pouvait pas passer à côté de cette célébration. Aussi, c'est avec une profonde angoisse que je me suis jeté dans la gueule de SANTA '85. Je n'aurai sans doute pas dû avoir un préjugé si tranché. Les temps sont durs pour Santa Claus : non seulement les mortels ne croient plus beaucoup en lui, mais en plus, ils se barricadent dans des habitations ultra sécuritaires. Du coup, Santa est obligé de pénétrer par effraction chez les gens pour arriver jusqu'au pied du sapin et y déposer des cadeaux par milliers, ce qui n'est pas du goût des propriétaires et de la police. Pris sur le fait, arrêté pour « cambriolage », Santa Claus se retrouve prisonnier dans la cellule du commissariat du coin. Mais sa tournée n'est peut-être pas entièrement compromise... Phil Joanou, le réalisateur du documentaire U2 : Rattle and Hum (1987) et du très bon thriller Sang chaud pour meurtre de sang-froid (1991), met en images une virée nocturne marrante de Joshua Brand et John Falsey (Alamo Jobe, Mr. Magic) avec à la clé plein de petites surprises, parmi lesquelles : un trio d'ivrognes déguisés en saint Nicolas ; un vieux shérif désabusé par la Nativité à cause d'une lettre écrite enfant pour obtenir auprès de Santa Claus un pistolet Buck Roger qu'il ne recevra jamais ; un adjoint benêt et fanatique des chants de Noël. Evidemment, fidèle à l'esprit Spielberg, et malgré un envol audacieux, Santa '85 ne déroge pas à la règle de la bienséance. L'ultime pirouette scénaristique (tirée par les cheveux) recadre le synopsis sur ce qu'il estime être « le droit chemin ». Au final, la magie de Noël fait que tout le monde il devient beau, tout le monde il devient gentil. Joli, classique, mais fade. Cependant, pris avec distance et humour, la conclusion a quelque chose de satisfaisant car grotesque. Mais ce n'était peut-être par l'intention originelle de ses créateurs...

Vanessa in the Garden
Vanessa in the Garden
Terminons (enfin !) cette première partie par VANESSA IN THE GARDEN et son pitch courtisan : Les magnifiques toiles du peintre Byron Sullivan ne seraient rien sans l'amour qu'il porte à Vanessa, son amour et source d'inspiration intarissable. Malheureusement, un tragique accident cause la mort de sa femme. Byron décide alors de brûler presque toutes ses oeuvres... au gram dam de Teddy, son agent et ami qui venait tout juste d'organiser une importante exposition à New York. N'étant plus l'ombre de lui-même, Byron sombre dans une profonde dépression. Mais un soir, il croit comprendre que l'esprit de sa défunte bien-aimée persiste encore à travers ses quelques tableaux rescapés... Le plaisir ressenti lors de son visionnage m'a conduit à penser que cette histoire originale de fantôme était sans doute l'une des plus agréables qu'il m'ait été donné de voir sur le petit écran ! A mon sens, cette réussite est tout d'abord tributaire d'un staff de rêve : Steven Spielberg en solo pour l'intrigue, Clint Eastwood derrière l'équipe technique, Lennie Niehaus sur le pupitre du chef d'orchestre, Sondra Locke (ex compagne d'Eastwood) dans le rôle de la Muse, Harvey Keitel dans celui de l'artiste tourmenté et Beau Bridges en soutien moral. Une distribution mettant l'eau à la bouche, n'est-ce pas ? Et encore, vous n'avez rien vu ! Si le montage de l'accident est maladroit (quoique justement chaotique), les directives artistiques suivantes sont impeccables, confirmant un peu plus les qualités de metteur de scène de l'Homme sans nom, tout récemment confirmer « auteur d'importance » par le milieu du cinéma grâce à son superbe Pale Rider (1985). La sensibilité et le raffinement qui se dégagent de Vanessa in the Garden, à n'en pas douter, font d'ailleurs écho à de futures et subtiles productions d'Eastwood : Sur la route de Madison (1995), en premier lieu pour son affection à la fois totale et impossible, mais aussi un peu du Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal (1998), pour son atmosphère impressionniste. Les effets visuels discrets et les jolies peintures utilisées pour illustrer la relation singulière entre Byron et sa douce renforcent l'impression d'être en face d'un des plus captivants et délicats épisodes de la saison. Mais plus que tout, c'est le jeu d'acteur de Keitel, une fois encore magistral dans la dérive et le ressaisissement, qui contribue à faire de cette romance un petit chef d'oeuvre de 23 minutes sur le pouvoir surnaturel de la créativité. A l'instar du détonnant The Amazing Falsworth, et en puisant le meilleur de Ghost Train et The Mission, le métrage de Clint Eastwood sonne tour à tour : dramatique, obscur, habile, passionné, à la folie et merveilleux. Pourtant, la mise en abyme du plan final et les derniers propos tenus par le personnage principal instaurent tout de même une drôle d'impression fantasmagorique. L'utilisation de l'Art pour prolonger la vie au-delà de la mort a quelque chose de dérangeant. Un frisson dans le dos... de peur, d'inquiétude ou de plaisir ? Telle est la question... Mais le spectre du tableau hanté de The Mezzotint (1904) de M. R. James est peut-être en train de rôder dans les parages, qui sait ?